Les recommandations 2/2
Il n’est donc pas étonnant qu’en 2006, la HAS reporte une sous-utilisation des échelles ayant beaucoup d’items : dans des services de soins volontaires pour être certifiés, seulement 11 % des patients ayant des troubles de la communication verbale avaient été hétéro-évalués de façon systématique.
Malheureusement, chez un sujet âgé, lorsque la détection de la douleur n’est pas réalisée et que par conséquent cet état se prolonge, le retentissement est important sur sa qualité de vie (activité physique, activités sociales…).
La situation peut devenir rapidement préoccupante en termes de morbi-mortalité (risque de perte d’autonomie, d’aggravation du déficit cognitif, de détérioration psychique : anxiété, dépression).
Les résultats d’interviews réalisées par le collectif Doloplus (non publiés) ont mis en évidence que cette sous-utilisation pouvait être en rapport avec :
– des difficultés pour utiliser les échelles surtout pour l’évaluation de la douleur aiguë (23 %)
– le temps nécessaire pour la cotation (17 %)
– la nécessité de recourir à des informations complémentaires pour apprécier le sommeil, l’appétit…, ce qui nécessite une connaissance préalable du patient (15 %)
– la réticence pour une utilisation répétitive (11 %)
– la nécessité d’un entraînement spécifique avant utilisation (11 %).
En résumé, au moment d’évaluer la douleur d’un patient âgé en particulier ceux présentant des troubles cognitifs à type de démence, choisir quelle échelle comportementale utiliser devient problématique pour le soignant d’autant plus qu’une douleur aiguë est fréquemment associée à une douleur chronique.
Il peut en effet :
– soit utiliser des échelles courtes comme Algoplus®. Leur utilisation est généralement bien acceptée par les soignants car, étant de passation rapide, elles présentent en effet l’avantage de ne pas entraîner de surcharge de travail. Elles exposent cependant au risque de faux négatifs surtout en long séjours: ainsi par exemple, l’échelle Algoplus® a une sensibilité quasi parfaite (96 %) pour détecter la douleur en court séjours ce qui était un de ses objectifs, mais l’échelle est nettement moins performante en long séjours (seulement 69 % de sensibilité)
– soit utiliser des échelles plus complètes comme Doloplus®, ECPA ou PACSLAC. Leur plus grande sensibilité pour détecter la présence d’une douleur est un grand avantage mais elles présentent le risque majeur d’une sous utilisation (cf., plus haut).
Aussi, afin de faciliter ce choix au quotidien et améliorer la prise en charge antalgique du patient âgé, il peut être judicieux de disposer d’un arbre décisionnel simplifié comme cela est déjà proposé pour l’évaluation de la douleur des personnes âgées admises dans les services d’accueil des urgences.
Reposant sur une complémentarité des deux types d’outils, permettant un gain de temps appréciable dans leur utilisation, ce nouvel algorithme (Fig.1) pourrait être susceptible d’améliorer la systématisation de la démarche évaluative au domicile du patient âgé, en maison de retraite ou dans les services de soins hospitaliers, seule garante de l’efficacité de la prise en charge antalgique.

Algorithme d’évaluation de la douleur chez les patients âgés.
Tenter systématiquement d’obtenir une auto-évaluation de la douleur même si le patient semble présenter des troubles cognitifs :
– l’auto-évaluation semble fiable (si un MMSE a pu être pratiqué c’est en général le cas lorsque le score est supérieur ou égal 18), confirmer les résultats par une hétéro-évaluation avec une échelle brève (ex., Algoplus®)puis mettre éventuellement en place une thérapeutique antalgique en fonction des résultats obtenus
– l’auto-évaluation est problématique, alors le recours à une hétéro-évaluation avec Algoplus® doit être systématique. Si le score obtenu avec cette dernière est de 0 ou de1/5, il faudra recourir aux échelles plus complètes comme Doloplus®, ECPA ou PACSLAC car une évaluation négative avec Algoplus® n’élimine pas l’existence d’une douleur chronique (Algoplus® est recommandée pour l’évaluation de la douleur aiguë).
– cette démarche augmente la sensibilité du dépistage et élimine tout risque de faux négatifs
– réévaluer systématiquement après la mise en place du traitement antalgique pour réadapter éventuellement la thérapeutique.
Ce type d’algorithme a permis d’améliorer la systématisation des évaluations par l’échelle ECPA (de 10 % à plus de 30 %) dans un travail d’évaluation des pratiques professionnelles au CHU de Montpellier (M.S. Leglise, non publié).